Testament
d'un archevêque partant...
|
||||
« Il
y a un temps pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel »,
dit l'Ecclésiaste... Il y a un temps pour commencer et un temps pour
finir, un temps pour arriver et un temps pour partir, un temps pour parler
et un temps pour se taire. Les bergers viennent et partent, ils passent.
Un seul reste : le Bon Berger, le Christ Jésus, le « grand Pasteur
des brebis »...
C'est
donc de Jésus qu'il faut parler. En ce jour de mon départ, puis-je vous
demander, frères et sœurs :
Oui,
je le répète : fixez votre regard sur Jésus. Oui, peut-être
semble-t-il dormir à l'arrière de la barque sur le coussin, au milieu de
la tempête. Et nous crions comme les apôtres dans l'évangile : « Maître,
cela ne te fait rien que nous périssions ? » Et que nous répond-Il,
à nous, en pleine bourrasque : « Pourquoi avez-vous une telle peur
? » C'est le seul reproche qu'Il nous fera. « Pourquoi
avez-vous si peur ? » Non,
il ne nous reprochera pas de ne pas travailler dur, de manquer de stratégie,
d'organisation, de management, de projets... non. Il nous reprochera
d'avoir eu peur et de ne pas avoir remarqué qu'Il était avec nous dans
la barque. Devenez
une église d'adoration Oui,
Il est là, au milieu de nous, dans les pauvres et les petits ; Il nous
regarde par leurs yeux. Il est là dans sa parole, dans la sainte écriture
et la prédication de l'Église. Il est là présent dans la sainte
liturgie, cette épiphanie de tous ses mystères. Il
est là surtout dans le pain et le vin eucharistiques, son vrai Corps et
son vrai Sang. Il est là dans l'eucharistie tout entier. Oui, fixez votre
regard sur Jésus eucharistique. Devenez une église d'adoration comme je
vous l’ai demandé à Bruxelles Toussaint 2006. Je le demande une
nouvelle fois comme en guise de testament d'un archevêque partant. Aimez
l'Église Aimez
l'Église, et aimez-la telle qu'elle est, noire et belle comme la fiancée
du Cantique des Cantiques. ...
Pour
voir l'Église en vérité, il faut le regard de la foi qui rend visible
ce qui est invisible, elle est un mystère, divin et humain à la fois.
Comme le disait saint Augustin : « Quand je parle d'elle, je ne puis
m'arrêter d'en dire du bien ». Et chaque fois que je lui découvre
un défaut, la foi le transforme en tache de beauté. Et puis, ce défaut
est une ride de ma mère. Et toutes les mères ne portent-elles pas des
rides. Mais c'est ma mère, la mienne. Et ses rides ? Si je regarde bien,
ce sont aussi les miennes. Nous avons tout reçu de notre Mère, l'Église
: l'écriture, les sacrements, la splendeur de sa liturgie, la tendresse
pastorale qui nous entoure, et surtout nous recevons d'elle d'innombrables
frères et sœurs dans la foi et plus encore tous les saints et les
saintes. L'Église
nous donne surtout la liturgie. C'est là, dans le mystère de la sainte
Personne
n'échappe au charme mystérieux de la divine liturgie. Il se pourrait
d'ailleurs que la liturgie devienne le moyen par excellence pour évangéliser
dans une culture païenne, indifférente, si pas franchement hostile. Dans
le monde, mais pas du monde Beaucoup
de nos contemporains ne connaissent plus le message de l'évangile. Même
son vocabulaire n'est plus compris. Sommes-nous revenus aux premiers temps
de l'Église où il n'y avait qu'une poignée de chrétiens dans un monde
païen et indifférent ? Et aujourd'hui un monde simplement ignorant. Que
faire ? « Il
est venu parmi les siens, mais les siens ne l'ont pas accepté ». Il
a aimé le monde, mais le monde ne l'a pas aimé. C'est aussi notre croix
à nous : être suspendus entre ciel et terre. Mais c'est dans cette
position de crucifiés que nous apportons au monde une force de résurrection.
Peut-être
encore ceci. Nous chrétiens, nous avons beaucoup à faire pour ce monde :
nous engager pour la justice, pour la solidarité, combattre la faim et la
violence, sauver notre planète. C'est ce que nous faisons. Mais peut-être
le monde a-t-il besoin d'autre chose encore de notre part : la réconciliation
et le pardon. Chez nous et ailleurs. Rapprochement et réconciliation
entre tant de couleurs, de races et de langues qui vivent ensemble. Peut-être
notre pays est-il un laboratoire pour réaliser cette convivialité dans
les différences, cette cohésion dans la diversité. Il y a peu
d'endroits dans le monde où tant de gens différents cherchent à vivre
ensemble.
En
jetant un regard en arrière sur ma vie d'évêque, je vois ce que j'ai pu
réaliser et ce que je n'ai pas pu faire, je vois les succès et les échecs,
les occasions que j'ai mises au profit et celles que j'ai manquées, je
vois mes dons et mes défauts. Que dire ? Avec le jeune curé dans le
roman de Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne, j'ai envie de
dire : « Tout
est grâce ». Est-ce
par hasard que c'est aussi une parole de sainte Thérèse de Lisieux :
« Tout est grâce ». Oui,
tout est grâce. Merci Seigneur !
|
||||