Le Dieu de mon désir


Prière ou réflexion


Pourquoi les gens prient-ils, quelle que soit leur religion ? La prière est en effet la première caractéristique de l’homme religieux. Il ne peut en être autrement : dès que quelqu’un accepte l’existence de Dieu, il ne peut que vouloir s’adresser à Lui. Vouloir abolir la distance entre soi et Dieu, et se trouver près de Lui !


C’est ici qu’apparaît la distance entre une religion et ce qui peut y ressembler. Entre la prière et ce qui lui ressemble. Il existe de nombreuses formes de prière : réflexion, introspection ou de recherche personnelle de clarification, sentiment profond de communion avec la nature, impression d’être porté par le cosmos. Est-ce prière ? Est-ce réflexion ? Où donc passe la frontière ?

La réflexion incline à penser, la prière consiste à s’ouvrir au dialogue. La différence entre la prière et la réflexion s’observe à la formulation : « Dieu est infiniment grand et bon ». Cette phrase appartient au registre de la réflexion. La prière dira : « Dieu, tu es infiniment grand et bon ». Tout se résume à une affaire de pronom, à l’utilisation du «  Tu ». La prière relève du dialogue, la réflexion du monologue.

Qui suis-je ? Qui est Dieu ? D’où la prière surgit-elle ?

Si Dieu est Dieu, présent, de mon cœur jaillit une source que personne ne peut contenir. Je m’adresse à Dieu et je lui parle.
Une pierre peut encombrer la source, mais elle ne peut empêcher l’eau de s’écouler. La pierre la plus obstinée au passage de l’eau c’est celle du mensonge sur « qui je suis » et sur « qui est Dieu ». Si je pense être le centre du monde, indépendant et autonome, totalement moi-même, la vérité sur moi est faussée : je ne suis pas autonome, je suis dépendant. Je proviens d’un point que je n’ai pas
décidé moi-même : ma naissance. Et je vais vers un point que je ne détermine pas non plus moi-même : ma mort.

La vérité sur moi-même consiste à reconnaître que je ne tiens pas ma vie totalement entre mes mains. La vérité sur Dieu, c’est qu’il est Dieu, et non ma créature, même si je Lui ressemble.

Le Dieu de ses désirs

Au fond du cœur humain gît un irrépressible désir de Dieu. Ce qui surgit en moi est un élan vers Celui qui est plus grand que moi, pour lui demander des choses et ensuite, pour le remercier, pour l’aimer, pour le louer et le bénir.

Spontanément, l’homme se dirige vers Dieu comme une boussole indique le nord, et seul un trouble du magnétisme peut changer cela. Il existe bien des parasites mais quand je suis vraiment moi-même, je ne puis pas ne pas chercher Dieu.

C’est ce que chantent constamment les psalmistes :


« Comme un cerf altéré cherche l’eau vive,
ainsi mon âme te cherche, toi, mon Dieu.
Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ;
quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu ? »

(ps 41, 2-3)

« Dieu, tu es mon Dieu,
je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau…
Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient »

(ps 62, 1-2, 9)

Les choses et les êtres humains

Ce désir de Dieu se trouve aussi dans les choses, dans les plantes et les animaux. Ils ne peuvent pas l’exprimer, mais le désir de Dieu les traverse eux aussi. Par le seul fait d’exister, ils font connaître leur désir de Dieu et leur obéissance au Créateur. Ils le font spontanément.


« Les cieux proclament la gloire de Dieu,
le firmament raconte l’ouvrage de ses mains.
Le jour au jour en livre le récit
et la nuit à la nuit en donne connaissance.
Pas de parole dans ce récit,
pas de voix qui s’entende ;
mais sur toute la terre en paraît le message
et la nouvelle, aux limites du monde

(ps 18, 2-5) 


Mais l’homme transcende les choses. Son désir de Dieu s’exprime en paroles ; il se fait audible. Est-ce tellement différent de ce que fait la création ? Dans les deux cas, ne s’agit-il pas d’une manière de s’exprimer ? Non : la parole est d’un autre ordre ; grâce au langage, l’homme s’adresse librement à Dieu, il s’engage dans cette vérité relationnelle. Croître et fleurir se font naturellement. Mais la parole est d’une autre nature, il faut vouloir s’exprimer. L’homme est le « chantre du désir de Dieu » en toute chose :

« Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu,
le couronnant de gloire et d’honneur » (ps 8, 6).

Le désir de Dieu


Le désir de Dieu est implanté en nous. Comme un beau jardin, il faut l’entretenir, le tailler et l’élaguer. Comment ?

·  nous trouver chez nous dans toute la création, dans la nature, sous un ciel étoilé… et nous réjouir qu’elle se maintienne et désire Dieu ;
·  nous établir dans l’humble conviction que nous sommes des créatures. Notre Dieu-Créateur nous a faits, et il veille sur nous, c’est libérateur : un diamant est-il humilié quand le soleil brille sur lui et le fait irradier ? Tout au contraire…
·  prendre exemple sur l’amour entre les hommes : l’amour de Dieu est de la même nature, et son désir encore plus fort ;
·  lire de temps en temps à quel point les saints pouvaient ressentir ce désir, comme Augustin, Thérèse de Lisieux, les grands mystiques ;
·  lire les psaumes 8, 18, 62, 104, et le Cantique des cantiques.


Godfried, Cardinal Danneels,
Archevêque de Malines-Bruxelles

Extraits adaptés par la rédaction du bulletin paroissial